
Le photographe de Johnny Hallyday publie ses Mémoires. Il revient sur sa carrière de chasseur de stars. Prédateur mais pas trop.
Daniel Angeli a quelque chose en lui de Johnny. Ils se ressemblent. La même barbe, le même regard plein de timidité, le même âge, des enfants du même âge. Et une vie tout aussi rock’n’roll.
Depuis près de quinze ans, Daniel est le photographe officiel de l’idole. Il le mitraille à chaque occasion, publique comme privée. Johnny apprécie sa compagnie, sa discrétion. Laeticia s’entend à merveille avec Cécile, l’épouse de Daniel. C’est même par le biais des épouses que les artistes se sont rencontrés. Mais Hallyday n’est pas le seul fait d’armes d’Angeli. Bien au contraire. Hallyday lui a sauvé la vie, lui offrant une seconde chance, lui permettant de mettre un terme à sa carrière de paparazzi (un label qu’il n’apprécie pas).
Car, pendant près de trente-cinq ans, Angeli fut le chasseur de stars, l’homme qui montra Agnelli sautant nu de son yacht, Onassis heureux au bras de la Callas à Paris, ou Sarah Ferguson en vacances avec son amant. De Saint-Tropez à Gstaad en passant par Cloisters et Paris, Angeli les a toujours respectés : la famille de Monaco, Elton John, Paul McCartney, David Bowie, Aristote Onassis, Giovanni Agnelli, Eddie Barclay… Des photos « volées » devenus légendaires.
A 67 ans, le photographe se raconte dans deux autobiographies : une première sous forme de récit de sa vie ; la seconde regroupant les meilleures images de sa première vie. Un témoignage percutant sur notre époque.
Paris Match. Enfant, vous ne vouliez pas devenir photographe…
Daniel Angeli. Effectivement, je n’avais pas la fibre ! C’est Bruno, mon père, qui, par une connaissance, m’a fait entrer en stage à “Jour de France”. Mais cela n’a pas duré longtemps. Je n’avais pas encore 16 ans, je ne pouvais pas travailler. On m’a gentiment poussé vers la sortie et recasé chez Dalmas, la grande agence de photo de l’époque. Et là, j’ai fait mon chemin : le labo d’abord, le terrain ensuite.
Votre premier fait d’armes ?
Après mon service militaire, je suis reparti de zéro. Je me suis mis à mon compte, mais je ne gagnais pas ma vie. J’ai commencé par faire la sortie des boîtes de Paris, car il y avait toujours du monde, des gens du cinéma, de la musique, des hommes d’affaires… C’était très divers. Certains se laissaient photographier sans problèmes, d’autres se cachaient le visage avec leurs bras. C’était déjà assez révélateur des différentes personnalités que je croisais. Mais mon premier fait d’armes, c’est le Festival de Cannes. Gamin, j’en rêvais. Chez Dalmas, j’avais tenu le bureau d’Orly où je shootais les stars à leur descente d’avion. C’était un premier contact… Mais à Cannes, à l’époque, c’était parfait. On pouvait emmener les stars sur la Croisette, il y avait la mer, les palmiers… Aujourd’hui, tout le monde est derrière une corde, et personne n’a le droit de bouger.
Quand avez-vous commencé à vous cacher pour photographier ?
A Cannes, toujours. Je suis timide, pas du genre à aborder quelqu’un dans la rue. Je me suis acheté un téléobjectif et ça a changé ma vie. Je pouvais être à 80 mètres de mes sujets et avoir une bonne image. Quand les stars ont commencé à s’enfermer dans les palaces du cap d’Antibes ou dans des villas, cela m’a bien aidé.
Avez-vous volé des images ?
Si je vois quelqu’un, c’est qu’il est dans un espace public. Je n’ai jamais shooté quelqu’un chez lui, et j’ai toujours évité de photographier les enfants. Mais, dans la rue, sur l’eau, oui. Et puis, il fallait bien vivre. J’ai commencé à gagner de l’argent grâce aux stars italiennes, que je photographiais en France. En Italie, la presse people était déjà développée, il y avait un vrai marché. En France, c’est venu tardivement. Il y avait Match, “Jour de France” et quelques autres. Tout a explosé dans les années 90. On est devenu agressif.
Le paparazzi que vous étiez a fini par devenir ami avec ses sujets.
C’est paradoxal. Avec Agnelli ou Onassis, j’étais souvent le seul à les attendre pendant des heures. Ils ont fini par venir me voir pour me proposer un rendez-vous. Ça a été pareil avec Gunter Sachs, Roger Moore, David Niven ou Liz Taylor. Certains, comme la famille de Monaco, me connaissaient, mais ils n’ont jamais joué la carte de la proximité. Grace Kelly a posé pour moi une poignée de secondes devant la voiture dans laquelle elle a trouvé la mort quelques semaines plus tard. Ironie du sort. Mais il n’y a jamais eu de complicité entre nous.
Quels sont vos plus beaux coups ?
On me parle encore de la photo d’Agnelli qui saute dans l’eau depuis son yacht. Mais je n’ai pas
fait que cette image-là ! A l’époque, elle m’avait été payée par Match 1 500 francs… Il fallait en faire pour gagner sa vie ! Alors, je m’étais organisé selon les saisons. L’hiver à Gstaad, le printemps à Cannes, l’été à Saint-Tropez. J’ai fait beaucoup de Caroline, beaucoup de Diana. J’allais sur ce qui était le plus demandé, mais je n’ai jamais donné dans la spéculation. Je n’ai jamais fait monter les enchères. La situation s’est dégradée avec l’arrivée des groupes de presse allemands en France.
Qu’est-ce qui vous éloigne de la planque à la fin des années 90 ? L’affaire Diana ?
Non, un ras-le-bol général. Dans les années 90, c’est la course à l’argent. Les prix flambent. On se retrouvait à dix voire vingt photographes sur un coup, il n’y avait plus de limites. Et la “Star Academy”, plus tard, n’a fait qu’accentuer le phénomène. Des gamins devenaient des stars pour cinq ou six semaines, puis disparaissaient.
Qui sont les stars françaises, à vos yeux ?
Hallyday, Depardieu et Deneuve. C’est tout.
Votre rencontre avec Johnny, en 1996, a changé votre vie…
Elle tombe à point nommé. Je m’ennuyais, j’avais 50 ans et l’envie n’était plus là. Au début, on s’est apprivoisé, et c’est vite devenu une amitié, puis une famille. Je ne connaissais pas l’univers du rock. Ma première tournée avec lui reste un immense souvenir : la route, les dîners d’après concert, le public…
On critique souvent l’entourage de Johnny, on le dit influençable…
Johnny entend tout et sait tout. Ce n’est pas pour rien qu’on l’appelle le taulier.
Vous étiez même là pour l’adoption de Jade…
Si Johnny et Laeticia n’avaient pas posé avec Jade, ils auraient été traqués. D’un point de vue médiatique, c’est aussi une manière pour eux de donner de l’espoir à tous les parents qui souhaitent adopter. Je trouve ça bien qu’ils l’aient fait.
Comment va Johnny ?
Il est en forme, un peu dépassé par tout ce qui se dit en ce moment. On a dîné ensemble hier avec Jean Reno. J’ai hâte de le revoir sur scène !
« Plus près des étoiles », éd. Michel Lafon, 167 pages, 39,90 euros.
« Daniel Angeli. Objectif une », éd. Michel Lafon, 280 pages, 18,50 euros.
https://eternity-editions.com/nos-tirages/
source: https://www.parismatch.com/Culture/Livres/Daniel-Angeli-Johnny-Hallyday-livre-photos-154672